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12 septembre 2009 6 12 /09 /septembre /2009 14:26
Ce qui est arrivé à Papa Ikwa est un histoire vraie. Ma deuxième fille, Nadine (dont c'est aujourd'hui l'anniversaire),  vient de la raconter à Ana par téléphone, depuis Kinshasa.
Papa Ikwa est un oncle, maître tailleur de son état. Il fait partie de la famille. Je le connais très bien, nous avons souvent discuté et bu des bières ensemble...

ddl
alias VbD

 

Le gueule de bois


Dans la nuit du 10 septembre 2009, tandis qu'à Bruxelles Jodi fait la fête, Papa Ikwa, un infoutu de Kinshasa, prend dans ses bras le cadet de ses enfants, fiévreux et grelottant, l'emballe dans un pagne... et court, court, court, court, court, court, court vers l'hôpital le plus proche...

Et son enfant...

peu à peu se calme, se calme, se calme... et meurt dans ses bras...


 Les infirmiers de garde

- Mais cet enfant est mort !

disent à Papa Ikwa d'aller à la morgue

- C'est 23 dollars l'entrée !

- Je n'ai pas ça sur moi ! Prenez toujours l'enfant ! Je vais chercher l'argent !

- On ne fait pas crédit !

y déposer le corps...



Papa Ikwa, qui n'a rien dans les poches que des... pous...sières... ramasse  son enfant... dont l'hôpital

- Il n'est même pas mort chez nous !

et la morgue ne veulent pas... et, à bout de forces, en larmes, complètement essoufflé, se remet à courir, courir, courir, courir, toute la nuit, en portant son enfant dans les bras... partout, ailleurs, nulle part... chercher

- Defisa ngai mwa mbongo ! 23 dollars kaka !

l'argent.



Tandis qu'à Bruxelles Jodi continue de faire la fête.

 


{A propos de ce texte auquel plusieurs personnes ont réagi


Certains adhèrent:

Alain Brezault

Touché !...

Anne-Marie La Fère

ça, c'est du très bon DDL. Merci !

Daniel Derrien

Demande d'autorisation - STOP- à l'auteur d'utilisation éventuelle du texte- STOP- si opportunité artistique se présente- FULL STOP-.

Pierre Bertrand

Merci pour ce texte poignant, cher Didier, qui remet les pendules à l'heure

et Denis Nanga Na Kayika

comme tu dis à juste titre, gueule de bois


D'autres moins:

Daniel Simon

Ouais...


Et mon amie Ouardia Derriche pas du tout :

C'est quoi, ça? Débarrasse-toi un peu des scories de ta culture catholique;  non, tu n'es pas coupable, ni même responsable de la mort de cet enfant et de celle de tant d'autres à travers le monde et nous qui avons fait la fête avec Jodi pas davantage. Faire la fête, comme nous l'avons fait, nous permet de maintenir le lien et conforter la motivation que nous avons de faire si peu que ce soit pour que cela change...Tu le sais et arrête de faire chier... Tu ne veux quand même pas que nous enfilions des robes de bure et des cilices pour nous faire pardonner la misère du monde? C'est crétin, totalement inutile et par-dessus le marché "m'as-tu-vu" d'une façon particulièrement déplaisante. Bisous.


tandis que Mohamed Belmaïzi se porte à mon secours:

(...) Non Didier, tu as raison, lorsqu'il s'agit de la mort d'un enfant (pour ne pas dire de son assassinat en plein jour) de te défaire (et tu le fais déjà en exécutant ta propre écriture) de toute la panoplie déplacée du style, de rhétorique ou d'ustensile textuel et snobinard (...)"


et que Daniel Derrien nous écrit à nouveau (à Man et à Jodi), depuis Saint-Malo... et qu'il  se rappelle:

  Vous souvenez vous d'une des toutes premières nouvelles de Yoka, dans les années 75, outre "le fossoyeur", qui s'appelait (je crois) le taxi... C'était aussi une triste histoire de bébé né en silence et abandonné par la maman à l'arrière du véhicule, pendant une course de nuit...}

 

Délit d'initié


Qui donc a tuyauté les mouches ?

Qui donc les a prévenues ?

Comment ont-elles appris, avant tout le monde, qu'un camembert au lait cru avait passé toute la nuit dans la chambre à coucher de Man et de Jodi... et

qu'il s'était

- Coulant et doux ?

- Ammoniaqué !

lâché ?


Les mouches ont-elles bénéficié d'une information privilégiée ? Avant même les chacals et les rats, les bactéries et les champignons, les curés et les araignées, les souriceaux et les corbeaux, les crocodiles qui puent de la gueule et les cancrelats qui se roulent dans la merde, les fourmis rouges et les renards roux ?

Les mouches ont-elles du nez ?

 

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Profil



 Didier de Lannoy
 delannoydidier@gmail.com



Après avoir, au Congo, mis le feu à tous ses manuscrits comme on brûlerait ses vaisseaux, Didier de Lannoy, en rentrant de son très long séjour africain, s’est dit qu’il était temps désormais de retrouver le chemin de l’écriture.
Après quelques nouvelles publiées dans diverses revues et un premier roman dont le titre provocateur (« Le cul de ma femme mariée ») prouvait que son auteur n’avait pas l’intention de rejoindre le club des écrivains bien pensants, Didier de Lannoy rédigea une première version de « Jodi, toute la nuit » qui fut adaptée à la RTBF par Violaine de Villers. Lors de cette expérience radiophonique, la comédienne Yolande Moreau interpréta le personnage de Jodi que l’on retrouve avec infiniment de plaisir dans ce roman étrange à plusieurs voix dont le style semble s’improviser au rythme d’un blues obsédant...

Alain Brezault

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