JODI, LE BROL
Sur Jodi, voir aussi:
http://jodi-book.over-blog.com/
et
http://lacarcasseetlesos.blogspot.com/
Lettre d'information*
Didier de Lannoy
2011
Les Cookies ? Cliquez sur:http://haikookies.blogspot.com/
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Paul Van Ackere
nous balance
- Pour saluer le retour du soleil ! Un marivaudage (disti) !
une "petite nouvelle":
Le canapé blanc
Un recueil de nouvelles de PVA (alias Popol, alias Paulo Carter) intitulé Courts Métrages a paru chez L'Harmattan, collection Ecritures, en juillet 2010
Paulo Carter est un ancien* du Zoeloe Bar
Je diffuse !
* On a gardé beaucoup de vaches ensemble, Popol** et moi.
On a racketté ou protégé
- C''était selon ! Surtout les mineur(e)s (Lieve ou Monik ?) qui voulaient (s'il te plaît ! et j'te roule un patin ...) à tout prix (dans le Busleidengang ou au fond du vestiaire...) entrer quand même (sois gentil ! et tu pourras m'toucher les miches...) coûte que coûte !
les clients et les clientes (les usagers, les affidés, les créatures, etc) du Zoeloe Bar et fait le guet (les flics, les espions, les accises, etc) à l'entrée, épluché des dizaines de kilos de bintjes dans une colonie de vacances, affronté les fachos du Mouvement d'action civique et de Jeune Europe, fréquenté le même bordel (l'Ambassy), interviewé des "gens du cinéma" à Paris, trifouillé à la main nue (avec des ongles parfaitement dégueulasses) le tas de bidoche sanglante d'un bac à carbonades
- Dans le rayon "viandes" d'un Sarma (le Sarma c'était tout à la fois le Lidl, l'Aldi et la boucherie Renmans de l'époque) de la ville de Leuven où de petits et gros morceaux de boeuf, découpés sommairement, étaient exposés à l'air libre, dans un grand bassin, et vendus en vrac, au choix du client !
et mis la main sur les plus pièces de barbaque pour en faire des steaks... et, avec un peu de chance, de véritables "filets purs".
On a même été trotskistes ensemble, dans le temps, sans le savoir !
** Paulo Carter ajoute ses souvenirs aux miens et... on ressasse et on remâche ("les Assis", aujourdhui, c'est bien nous, les anciens du Zoeloe Bar, les pensionnés du trostkisme et les nostalgiques du bac à carbonades de Sarma : le cul posé sur un fauteuil de jardin en plastique ou confortablement installés devant un écran d'ordinateur) et on rabâche et... on reprend son souffle et on se donne le temps de retrouver ses vieux mots:
- PVA: Le coup des” filets pur” me revient maintenant. Je pense qu’on les mangeait avec des épinards en boite. Un Colombien du nom de German Bravo en avait acheté tout un stock. Certaines commençaient à gonfler et quand on les ouvrait on se ramassait un vilain jet verdâtre dans la figure....Mais à l’époque, la salmonelle n’existait pas encore...
- DDL: ...
- PVA: ...
- DDL: Et les jours où Moon Kee Kim parvenait à balluchonner quelques bonnes mesures de riz dans la gargote (pour les bons bourgeois cathos de Leuven, un étudiant coréen avait, évidemment, toute sa place dans un restaurant vietnamien : ça faisait couleur locale !) où il bossait (à huit francs belges la soirée... plus d'éventuels pourboires... qu'il devait partager avec le patron), on avait de quoi composer un menu équilibré et on pouvait festoyer ! Mais, rappelle-moi, German Bravo était un pote à Jorge Ucros et aux frères Garcia (Guillermo et Bernardo)... et aux autres "petits" de Camillo Torres qui s'entrainaient à la guérilla dans les bois d'Herverlee, non ?
- PVA: German Bravo était un ami de Jorge Ucros mais n’appréciait pas trop Camillo Torres. Il adorait Malher dont il possédait plusieurs symphonies qu’il mettait souvent à fond de balle le soir au grand dam de ceux (ils étaient rares) de ses colocataires qui étudiaient le soir...
- DDL: ...
- PVA: ...
- DDL: ...
- PVA: ...
- DDL: T'as rîn d'aut' à rajouter ?
- PVA: Ben oui, j'rajoute qu'il ne faut pas trop souvent se retourner mais se tourner vers l’avant: plus de joie, plus de lumière, demain il fera jour camarade, je maintiendrai, l’union fait la force, en avant marche!...Après le Zoeloe Bar, nos chemins divergèrent quelque peu. J’ai fait mon service militaire et là cela a failli mal commencer. Le premier jour, au centre de formation, ils ont voulu m’envoyer à l’annexe psychiatrique car j’avais avoué que j’avais un diplôme de docteur en droit mais que je ne savais ni lire ni écrire. Il faut dire que j’avais choisi le rôle flamand (had ik vlaams verkiezen) pour ne pas perdre trop mon temps. Quand le major a compris la raison de mon apparence d’illettré, avec des sanglots gluants dans la voix ( Ah si tous les wallons feraient comme vous!!!) il m’a nommé kameroverste ( chef de chambrée). J’eus beau lui faire remarquer que c’était dangereux car si brusquement il y avait une guerre, je serais obligé de donner des ordres en français comme en 14. Il ne changea pas d’avis. Et par après, souvent je me suis demandé si un conflit devait survenir entre la Flandre et la Wallonie et si j’étais encore en âge de porter les armes, sous quel drapeau aurai-je dû servir?
- DDL: ...
- PVA: Et alors, la suite ?
- DDL: Ben, j'sais pas ! Le curseur est chez toi, non ? Et si tu nous racontais Nicole, son avènement, comment tu l'as rencontrée, non ? Elle habitait (on allait y prendre des douches pendant la journée, non ? C' était ofélé, kosteloos, non ?) une "pédagogie" (c'est comme ça qu'on appelait ces maisons closes pour jeunes filles de bonne famille, à l'époque, non ?), près du petit Seizième (c'est là que j''squattais, non ? Avec Jipéji et Moon Kee Kim, non ? Et tu venais nous péter les carreaux avec tes boules de neige, non ?) ou du Dix-huitième, je ne sais plus...
- PVA: ...
- DDL: ...
- PVA: Puisque c'est à mon tour...
- DDL: A propos de Nicole ?
- PVA: ... Après mon glorieux service militaire comme concierge pour un hôtel d'offficiers, je me suis retrouvé dans une union professionnelle d'opticiens et rédacteur en chef du mensuel L'Opticien Belge ou, comme disait Jo Dustin, Le P'tit Chien Belge... Un matin, mon patron m'appela pour m'annoncer qu'il avait décidé de m'envoyer en Allemagne de l'Ouest, comme on disait alors. "Inutile de vous préciser qu'il s'agit d'une mission confidentielle !" me dit-il. Et il ajouta : "On va bientôt mettre sur la marché une invention qui va bouleverser notre vie. Cela s'appelle le rayon laser ! Vous assisterez à des réunions scientifiques et votre rôle sera de nous ramener un maximum de renseignements". Quelques jours plus tard, je pris le tram jusqu'à la gare du Midi et m'embarquai dans l'express de Cologne. Déjà sur le quai, cet homme en imper mastic m'avait intrigré. Mais quand je l'ai vu s'installer dans le compartiment voisin, je n'eus plus de doute, l'individu me suivait ! Et en plus, je l'avais reconnu. Il s'agissait du célèbre T** dont le groupe Jeune Europe...
- DDL: Thiriart ? Teichmann ?
- PVA: Chuuuuuuuuut ! On pourrait nous lire !
- DDL: ...
- PVA: ... Bref, un soir, à Louvain, pardon à Leuven, les gens de Jeune Europe avaient tenté de nous tabasser au sortir d'un meeting. Voici une mission qui commence mal, me dis-je. Je me levai et me dirigeai vers l'individu...
- DDL: Oui, d'accord ! Très intéressante ton histoire mais pas très "relevante" ! Tu ne réponds pas à ma question, tu t'éloignes du sujet !
- PVA: Quel sujet ?
- DDL: Nicole !
- PVA: Nicole? Secret défense, oh !
- DDL: ...
- PVA: ...
- DDL: ...
- PVA: ...
Et, finalement, le dernier mot revient... à Nicole elle-même : Puisque Paulo s’éloigne du sujet, j’interviens : un soir ( ou un matin ... il y a tellement longtemps qu’on ne sait plus ), la fée-carabosse m’avait revêtue de la plus belle robe – non pas celle en promotion au Sarma de Leuven où vous achetiez les épinards qui ont bien failli empoisonner les autorités universitaires dépêchées pour enquêter sur les moeurs dépravées d’un petit groupe d’étudiants dévoyés – non, une tenue digne de figurer au bal des débutantes que fréquentaient les jeunes gens de bonne famille – dont nous faisions partie ( cela va sans dire bien que nous l’ayons tu pour des raisons idéologiques ). Nous étions face à face et ce fut le flash ! ( Tonnerre, lumière, violon...)Et puis le reste a suivi...Le lecteur comprendra l’émotion qui empêche aujourd’hui encore un des acteurs principaux de la scène de revenir sur cet épisode qui a marqué le reste de notre vie ! Il fallait ma plume pour retracer toute la splendeur du moment !
Le Zoeloe Bar ?
Pour en savoir plus sur le Zoeloe Bar, cliquez sur:
http://impassedesmurmures.blogspot.com/
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------
Le canapé blanc
On venait de livrer leur nouveau canapé. Le long camion du « Monde du Cuir » s’était arrêté au vu et au su de toutes les housewifes du lotissement à onze heures tapant, moment où elles étaient toutes dans leur cuisine qui donnait sur la rue. Ce fauteuil trois places de cuir blanc allait à coup sûr rehausser le standing de leur living. Elle avait demandé aux hommes de le placer contre le mur qui faisait face à l’écran plat de leur nouvelle télé. Et elle avait insisté : « placez-le de façon que le tableau qui le surplombe soit bien au milieu ! ». Il s’agissait d’une reproduction sur toile d’un des nombreux « Footballeurs » du peintre Nicholas de Staël, le seul tableau non figuratif toléré par son mari. Au cours d’une visite à Beaubourg, lors d’un voyage culturel à Paris, celui-ci avait été convaincu par le vendeur à la librairie qui avait longuement disserté sur l’originalité de cette œuvre qui oscillait entre l’abstraction et la figuration. Et ce tableau, une fois acquis, avait donné à la maîtresse de maison bien du fil à retordre car elle avait dû modifier les tentures encadrant les fenêtres de la pièce pour ne pas trop jurer avec ses aplats de couleurs vives et contrastées sensées rappeler les ambiances délirantes du Parc des Princes.
Les De Ridder vivaient à Waterloo dans un lotissement de demi-standing, construit dans les années soixante. Leur villa, de type fermette flamande, était plantée au milieu d’un jardin de vingt mètres de large sur quarante mètres de profondeur qu’ils soignaient tous les samedis.
Hélène De Ridder retira ses pieds de la petite table et allongea le bras pour atteindre la télécommande car les informations allaient bientôt débuter sur une autre chaîne. Elle remit l’instrument à sa place et rallongea les jambes.
Son mari rentrait toujours après les informations. Il aimait entendre sa femme lui raconter les principaux événements de la journée. Hélène De Ridder se prêtait volontiers à ce jeu d’informatrice qui lui garantissait au moins un sujet de conversation avec son mari. Celui-ci, durant la semaine, avait de plus en plus tendance à considérer son living uniquement comme un sas de décompression avant le sommeil. Il vendait des tablettes tactiles, des GSM, des GPS et se donnait à fond pour les marques qu’il représentait. Il travaillait dans une boite où l’on tirait le maximum des collaborateurs qui, au demeurant, étaient tous persuadés que, face à la concurrence, c’était le seul moyen de garder la tête au- dessus de l’eau. Souvent, il disait à sa femme : « Quand le lundi est passé, la semaine est finie, tellement le temps passe vite ! ». C’était un homme de cinquante ans légèrement bedonnant et le dos voûté qui consacrait très peu de temps aux loisirs. Mis à part le jardinage du samedi matin qui, en réalité, faisait partie de la mise en valeur du patrimoine familial son seul hobby était le club de football de sa ville. Il y avait joué dans sa jeunesse ; aujourd’hui, il en était le trésorier. Cette occupation lui prenait une soirée par semaine. De temps à autre, il lui arrivait de rentrer tard ces soirs-là. Et quand il avait bu un verre de trop, sa femme l’entendait tituber dans l’escalier en chantonnant : « Olé…olé…olé…olé, we are the Champions !.. »
Pour Hélène, le temps passait beaucoup moins vite. Elle ne travaillait qu’à mi-temps comme caissière dans une grande surface située à deux pas de sa maison. Et, depuis que leur fils était marié, son ménage était bouclé en deux temps, trois mouvements. Depuis deux ans, elle avait un amant. Hector Van Nest était une star du football qu’elle avait rencontré lors du bal annuel du club de son mari. Il y était venu pour soutenir ce petit club où sa prestigieuse carrière avait débuté. Dès la première rencontre, elle avait été attirée par ses larges épaules et son coup de taureau. Enfermés dans l’adultère, ils se virent les après-midi, le plus souvent possible, tandis que Jérémie De Ridder aveuglé par les feux du rendement, sans cesse par monts et par vaux vendait ses appareils.
De saisissement, Hélène De Ridder heurta du pied la télécommande qui tomba à terre. L’image du présentateur se brouilla, puis se transforma en neige multicolore. Le temps de ramasser le zappeur, de rejoindre la bonne chaîne et le présentateur était passé à une autre information . Elle se précipita sur un poste de radio et la nouvelle lui parvint pour la deuxième fois. Hector Van Nest, l’immense champion de foot, venait de se tuer en voiture !
Prostrée dans l’ombre au fond du canapé, Hélène De Ridder n’entendit pas la porte s’ouvrir. Son mari entra dans le living.
- Bon sang, quelle journée, fit-il , et j’ai encore une réunion au club après le dîner !
Jérémie De Ridder s’approcha de sa femme et alluma la lampe posée à côté de la télé.
- Eteins cette lampe, cria-t-elle dans un sanglot !
Jérémie s’exécuta et plongea à ses pieds.
- Mais qu’est-ce qui se passe, tu pleures ?
- Ils viennent d’annoncer la mort d’Hector Van Nest… un accident de voiture…, lui répondit- elle.
Jérémie De Ridder se releva et vint s’asseoir à côté de sa femme.
- Un si bon joueur, gémit-il.
Enlacés, dans leur nouveau canapé blanc, les De Ridder pleurèrent Hector Van Nest, le grand champion qui venait de mourir d’un stupide accident de voiture.
Paul Van Ackere
---------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------